LE TRAUMATISME

 

Aujourd’hui, il est courant de parler de catastrophes ou d’attentats en évoquant les notions de traumatisme et de stress post traumatique :

Pourtant, bien que les hommes souffrent de traumatisme depuis des milliers d’années, ce n’est que depuis dix ans que les scientifiques et le public lui prêtent une large attention. Le traumatisme fait maintenant partie du vocabulaire de tout un chacun. Il a été souvent associé aux abus sexuels, puis à été mis régulièrement en avant par le contexte actuel. Dans un monde où les catastrophes naturelles et les attentats politiques sont nombreux, il est certain que les médias jouent un rôle déterminant dans la propagation de l’information.

  • Alors, qu’est-ce que le psychotraumatisme ?
  • Par quels signes, symptômes ou syndromes significatifs se manifestent-ils ?
  • En d’autres termes, comment le reconnaître et le soigner ?

La définition officielle du traumatisme consiste à dire qu’il est causé par « un événement hors du commun et qui provoque des symptômes évidents de détresse chez la plupart des individus ».

Cette définition englobe les situations suivantes : « une menace sérieuse pour la vie ou l’intégrité physique, un danger ou un malheur important pour ses enfants, son conjoint, d’autres parents proches ou des amis, une destruction soudaine de son domicile ou de son quartier, la découverte de quelqu’un gravement blessé ou mort dans un accident ou des suites d’une agression physique ».

Certains définissent le syndrome de stress post-traumatique comme une forme de trouble anxieux qui fait suite à un événement particulièrement traumatisant sur le plan psychologique : attentats, bombardements, accidents graves, catastrophes, violences physiques, viols…

Il est intéressant de souligner que cette dernière définition, du stress post-traumatique, a le mérite d’englober toute forme de violence, qu’elle vienne d’évènements publics ou d’histoires de vie plus individuelles.

La notion de stress post-traumatique ne concerne donc pas que les victimes d’accidents ou d’attentats.

Dans tous les cas, l’élément primordial concerne l’effraction que la personne subit que cela soit dans son corps ou dans ses défenses psychiques. Il y a intrusion d’un événement soudain qui s’impose à la personne et qui active des mécanismes de peur, de culpabilité, d’effroi ou de survie.

A ce stade de l’exposé, il est primordial de différencier :

  • l’angoisse qui désigne un état caractérisé par l’attente d’un danger même s’il n’est pas définit
  • la peur qui suppose un objet précis dont on a peur
  • l’effroi qui désigne l’état qui survient lorsqu’un sujet est confronté à une situation dangereuse sans y avoir été préparée.

Dans le traumatisme, la personne ressent avant tout de l’effroi… La peur et l’angoisse venant éventuellement dans un second et troisième temps…

Dans le cas de catastrophes, d’attentats ou d’agression, l’événement se situe en dehors du champ de l’expérience humaine habituelle. Il y a irruption, dans l’équilibre que s’est construit progressivement la personne, de la réalité de la mort et de la condition humaine.

Il faudrait un exposé à lui seul pour parler de la représentation de la mort suivant les cultures, mais ce qui est certain, c’est que l’être humain se projette dans le futur proche et même plus lointain, afin de pouvoir vivre et faire des projets, dans la croyance quasi ancestrale de son immortalité ! L’évènement traumatique vient brutalement lui rappeler la réalité de sa condition humaine.

Souvent, les personnes traumatisées disent quelles ont été incapables de surmonter l’anxiété générée par le traumatisme et qu’elles sont restées figées sur place, dépassées par l’événement, vaincues et terrifiées. Virtuellement emprisonnées par la peur, elles paraissent incapables, même après la sécurité retrouvée, de se remettre à vivre normalement. C’est ce vécu d’action impossible qui crée l’angoisse et le sentiment qu’elles ne sont plus maîtres de leurs actions et, par extension, de leur vie.

Ainsi, pour ces personnes, on dit qu’il y a un  » avant  » et un  » après  » le traumatisme !

Cela équivaut à dire que la vie ne sera plus jamais la même pour ces personnes. Cette terrible sentence est basée sur le fait que, pour bon nombre d’entre elles, les valeurs socio-culturelles, parentales et personnelles sur lesquelles elles ont construits jusqu’à présent leur vie, vont s’effriter, paraître incroyablement désuètes, ridicules et insensées. Rien ne semble désormais pouvoir sécuriser et soutenir ces êtres humains.

Pourtant, d’autres individus, qui ont vécu des évènements similaires, semblent en sortir sans trop de mal. Aussi terrifiant que puisse paraître un événement, tous ceux qui le vivent n’en sortent donc pas traumatisés.

De récentes études ont souligné que les personnes qui ont pu être actives, qui ont aidé les autres ou qui ont cherché et trouvé des solutions s’en sortent généralement bien mieux que les personnes qui sont restées pétrifiées par la peur, incapables d’agir et de bouger. Se basant sur ces éléments, des chercheurs en sont venus à penser que le traumatisme viendrait peut-être de cette stupeur qui fige la personne et qui la rend encore plus vulnérable à l’agression et à l’événement.

Ces chercheurs ont également souligné que la personne qui présente un tableau de stress post-traumatique est bien souvent une victime mais peut aussi être le témoin d’un accident survenu à un proche, ou même l’observateur d’une catastrophe ayant concerné de nombreuses victimes.

Quelles sont les réactions cliniques observées lors d’un événement potentiellement traumatique ?

  • Les manifestations à court terme sont essentiellement celles du stress et peuvent s’observer dès les premières heures qui font suite à l’événement ou dès les premiers jours. Un ensemble de réactions cliniques :

Angoisse, sur-sensibilité, cauchemars, surviennent rapidement pour, normalement, régresser progressivement les jours suivants. La nature et l’évolution de ces symptômes éprouvés par les victimes se distinguent donc de l’état de stress posttraumatique ou des syndromes psychotraumatiques par leur aspect temporaire.

  • Les manifestations et syndromes psychotraumatiques se manifestant à moyen et long terme :
  • Le syndrome de répétition : Le syndrome de répétition se traduit par un retour dans le réel, souvent inattendu et soudain, du vécu et des émotions reliés à l’expérience traumatique. Cette répétition se produit selon un vécu particulièrement éprouvant et angoissant pour la personne. Le syndrome de répétition se déclenche soit spontanément, soit en réponse à un stimulus en lien avec la situation traumatique. Le fait de se retrouver à proximité du lieu de l’événement traumatique peut être suffisant à déclencher une angoisse incontrôlable.

L’événement réapparaît généralement sous la forme d’hallucinations visuelles qui reproduisent une partie ou l’ensemble de la scène. Elles sont souvent courtes, fugaces comme des »flashs visuels ».
Parfois, les hallucinations sont auditives. La répétition traumatique porte alors sur le bruit perçu lors du moment traumatique.
Elles peuvent aussi être cénesthésiques, c’est à dire en réponse à une perception corporelle, comme cette patiente ressentant régulièrement le canon de l’arme appliquée sur son flanc durant une prise d’otages.
La répétition de l’événement peut également s’effectuer dans le registre de la pensée au moyen de ruminations portant sur le trauma.
Les cauchemars ou rêves de répétition illustrent bien ce syndrome en lien avec l’expérience traumatique. Ils sont intensément vécus par les individus qui s’y voient presque toujours comme acteurs.
C’est parfois le corps qui est concerné par la répétition comme ce patient rescapé d’un tsunami qui reproduisait sans cesse le mouvement de la main par lequel il s’était agrippé à un mât pour échapper à la noyade lors du passage de la vague.

  • Les manifestations du registre obsessionnel : Ces manifestations accompagnent très fréquemment la pathologie psychotraumatique. Les idées sont centrées presque exclusivement sur le risque d’un retour de l’évènement traumatique et envahissent la personne de façon obsessionnelle et la contraignent à de multiples rituels de vérification et de conjuration. Il s’agit, par exemple, d’éviter tous les chemins qui se rapprochent du lieu de l’événement ou qui rappellent sa survenue.
  • Les manifestations d’anxiété et d’asthénie : ce sont des manifestations de fatigue physique, psychique ou sexuelle.
  • Les manifestations dépressives : La dépression se remarque par un sentiment de vide et d’effacement du désir, cela d’une façon souvent généralisée.
  • Les manifestations de conversions somatiques : Ici, c’est le corps qui parle. Les manifestations psychosomatiques ont également une grande fréquence. Elles touchent différentes parties du corps. Elles peuvent être dermatologiques, cardiovasculaires, digestives ou se traduire parfois par des maladies auto-immunes, voire par un cancer.
  • Les troubles de la personnalité : Des modifications de la personnalité peuvent également être observées. Il s’agit d’un ensemble de manifestations qui traduisent cet effondrement progressif des supports qui habituellement permettent au sujet d’éprouver cette sérénité qui le protège dans le monde. En cas de traumatisme, l’environnement devient menaçant, dépourvu de sécurité, source d’une inquiétude nouvelle où tout peut arriver. Il y a parfois désinvestissement de toutes les activités habituelles et d’amour avec retrait de la vie affective et incapacité à aimer.

Les manifestations du stress post-traumatique chez l’enfant :
L’enfant comme l’adulte peut présenter un syndrome de répétition, se manifestant par des jeux et des cauchemars répétitifs. L’enfant a été confronté à des événements où ses émotions ont été imprégnées par une sensation d’étrangeté et de doute. Un de ses parents ou même ses deux parents, source d’équilibre et de sécurité, ont pu malmenant envers lui ou être malmenés, touchés, blessés ou tués par un événement. Le sentiment de sécurité et de protection que l’enfant nourrissait vis-à-vis de ses parents s’écroule soudainement ou progressivement.

Les symptômes liés à un traumatisme, chez l’enfant, sont particulièrement intéressants à connaître puisqu’ils touchent le traumatisme, lors d’événement exceptionnel, mais aussi le traumatisme lié à la maltraitance d’une façon plus générale. On observe :

  • De la fatigue importante et constante
  • des difficultés d’apprentissage scolaire avec perte des acquis
  • Des états anxieux, des peurs phobiques en lien avec les objets et les situations rappelant la catastrophe
  • Des plaintes somatiques de type céphalées (maux de tête) et maux de ventre.

Des troubles psychosomatiques peuvent aussi se mettre en place. On observe alors :

  • Des diabètes
  • Du psoriasis et de l’eczéma
  • Des troubles des conduites alimentaires
  • Des manifestations comportementales violentes ou suicidaires.

Chez l’adolescent, des manifestations d’agressivité sont dirigées vers les parents ainsi que vers les enseignants.

Hypothèses concernant le pronostic/Facteurs favorisant la chronicité : Lorsque surviennent les complications à long terme, force est de constater que les réponses de l’environnement, l’espace auquel le sujet peut avoir recours pour permettre de résorber la blessure psychique sont d’une réelle importance.

Faute de trouver en lui les ressources permettant d’apaiser, d’harmoniser son rapport au monde, le traumatisé devient dépendant de son enveloppe environnementale. Soit celle-ci sera suffisamment protectrice et servira de substitut à cette défaillance interne, soit, à l’inverse, l’absence de conditions extérieures favorables précipitera la survenue des symptômes.

L’importance du facteur communautaire et de l’entraide a été souvent soulignée.

Comment aider une personne souffrant de stress post-traumatique ?

  • Le soutien de la famille et des proches est important mais le recours à un thérapeute spécialisé est nécessaire.
  • Certains médicaments sont utiles pour traiter à court terme les symptômes tels que dépression (antidépresseurs) ou anxiété (anxiolytiques).

Faute de traitements psychologiques adaptés, les médicaments sont parfois les seuls remèdes utilisés !

Certaines recherches apportent un éclairage nouveau sur la prise en charge du traumatisme.
Traditionnellement les thérapies ont essayé de modifier la perception défensive du sujet après un traumatisme par la raison, l’introspection, le conditionnement et/ou des médications. Des études récentes mettent l’accent sur l’importance de l’effraction qui s’impose soudainement à la personne et qui active des mécanismes de peur, d’effroi ou de survie. En effet, une vision éthologique du traumatisme, l’éthologie étant l’étude des comportements animaliers dans leur milieu naturel, nous montre qu’il existe trois possibilité de faire face et de répondre à un événement stressant : la réponse de fuite, d’attaque ou de figement. Nous avons vu, dans cet exposé, que les personnes victimes d’un événement potentiellement traumatique manifestaient le plus souvent cette réaction de figement et de blocage, les rendant incapables de réagir. C’est pourtant lorsque les personnes sont actives, comme dans le fait d’aider les autres, qu’elles ne semblent pas développer de symptômes de stress post traumatique.

Chez l’être humain, les mécanismes de réaction face au stress sont liés à la survie. Les parties du cerveau activées par la perception d’une situation qui menace la survie sont celles que nous partageons avec l’animal : le cerveau reptilien ou cerveau instinctuel.
Lorsqu’ils sont confrontés à une menace qui ne peut être ni évitée ni combattue, les êtres humains, comme les animaux, utilisent la réponse d’immobilité ou de figement. Il est essentiel de comprendre que cette réponse est involontaire et que le mécanisme physiologique qui la gouverne se trouve dans la partie primitive et instinctuelle de notre cerveau qui n’est pas sous contrôle conscient.
Pour certains chercheurs américains, le traumatisme ne peut se résoudre qu’avec l’achèvement des cycles biologiques qui, pour eux, sont bloqués par notre mental. Il faut réparer les  » frontières  » qui ont été forcées et réinstaller dans la personne un sentiment de sécurité.

La technique EMDR : Eye Movement Desensitization and Reprocessing qui signifie en français : Mouvements Oculaires de Désensibilisation et de Retraitement des informations négatives. Cette technique, qui reproduit les mouvements des yeux du sommeil paradoxal fait le lien entre le trauma et la capacité du cerveau à gérer les émotions. Elle a reçu le prix Sigmund Freud en 2002 des mains du congrès mondial de psychothérapie qui se déroulait dans la ville de Vienne. Les recherches actuelles sont très prometteuses…

De plus en plus de psychologues sont persuadés que les racines du traumatisme plongent dans la physiologie de nos instincts. Il en résulte que c’est autant grâce au corps qu’à l’esprit que nous découvrirons peut-être les clés de sa guérison.