LA CRISE SUICIDAIRE
Nous allons parler de la crise suicidaire, des personnes ayant effectué une ou plusieurs tentatives de suicide, des personnes dépressives et des interventions thérapeutiques concernant ces personnes.
Les causes d’une crise suicidaire sont multiples. Ainsi, les thérapies susceptibles d’aider les patients sont également multiples et variées.
Mais avant de parler des interventions thérapeutiques, il nous faut aborder quelques points importants.
CARACTERISTIQUES COMMUNES AUX PERSONNES EN CRISE SUICIDAIRE
- L’objectif du suicide est la recherche d’une solution. Le suicide se présente comme la meilleure solution possible pour régler la situation dans laquelle la personne se trouve.
- Les émotions communes aux suicides sont le désespoir et le sentiment d’un manque de soutien : le sujet pense que personne ne peut l’aider. Il vit souvent sa situation dans la solitude et l’isolement. Il se sent rejeté, abandonné et coupé de toute vie affective.
- La condition cognitive est l’ambivalence : la personne suicidaire veut à la fois vivre et mourir.
- Le suicide peut être compris comme un effacement psychologique temporaire de l’affect et de l’intellect. La personne voit la réalité comme à travers un tunnel. Elle perçoit beaucoup moins d’options face à sa vie qu’une personne non-suicidaire.
- L’action suicidaire correspond à une fuite, la fuite d’une personne face à sa détresse. Le suicide apparaît comme une démission, une désertion, une forme de lâcheté… Cette sensation est particulièrement présente chez les personnes ayant fait une tentative de suicide. Elle entraîne un sentiment profond de culpabilité.
- L’acte commun au suicide est la communication plus ou moins directe de l’intention : les personnes émettent consciemment ou inconsciemment des indices de leurs intentions, des signaux de détresse, se plaignent d’impuissance ou demandent de l’aide.
Toutes ces caractéristiques montrent l’importance des processus psychologiques individuels autant que des relations humaines et sociales. On entrevoit également les interactions entre pensées, émotions et comportements.
Si le passage à l’acte suicidaire se produit dans un contexte de crise, c’est que l’individu est submergé sur le plan émotionnel.
À ce moment, sa perception cognitive est rigide et déforme la réalité.
Il éprouve des difficultés à résoudre un problème, il n’a plus accès aux ressources nécessaires. Le lien entre les conflits passés et présents est souvent très étroit.
LES INTERVENTIONS AUPRES DES PERSONNES EN CRISE SUICIDAIRE
Lorsque l’on parle d’interventions, il faut distinguer :
- les interventions auprès des personnes en crise suicidaire
- les suivis psychologiques que l’on peut proposer aux patients en déprime, aux personnes ayant des idées suicidaires et aux individus ayant ou venant d’effectuer une tentative de suicide.
Le patient » en crise » est le siège d’une tension insupportable.
Le travail de l’intervenant va donc consister, dans un premier temps, à évaluer le potentiel suicidaire, à faire baisser ce niveau de tension et à arrêter le processus autodestructeur.
EVALUER LE POTENTIEL SUICIDAIRE
Il est donc impératif de déterminer l’état d’esprit de la personne et d’évaluer si celle-ci a déjà élaboré un plan de suicide. Dans cette élaboration, nous cherchons à savoir si la personne a déjà décidé du lieu, du moment et du moyen pour exécuter son geste suicidaire. Il s’agit de la triade : où, quand et comment.
Lorsqu’une personne s’est fixée sur ces trois éléments, toutes ses pensées sont alors orientées sur le suicide et le passage à l’acte est considéré comme imminent.
Dans ce contexte, l’intervention tend à protéger la personne contre elle-même.
FAIRE BAISSER LE NIVEAU DE TENSION
L’objectif principal d’une intervention et d’un entretien avec une personne en crise suicidaire est le retour à l’équilibre. Celui-ci est rendu possible par :
- la mise en place d’une relation humaine où l’écoute et l’alliance thérapeutique sont au premier plan (écoute, compréhension, reformulation…)
- l’expression des émotions
- la compréhension cognitive des événements qui ont mené à la crise (recadrage cognitif)
LES SUIVIS PSYCHOLOGIQUES
Certaines personnes ayant effectué une tentative de suicide ne sont pas hospitalisées et peu sont réellement prises en charge.
On estime que plus d’un tiers des individus vont réitérer leur geste !
Dans plus de la moitié des cas, la récidive survient dans l’année qui suit la première tentative.
Enfin, le risque de mourir augmente avec le nombre de tentatives de suicide.
Ainsi, le travail psychologique avec les personnes ayant déjà effectué une tentative de suicide parait essentiel.
Le thérapeute doit être conscient du caractère réversible et temporaire de la situation que traverse le patient. Si on définit la crise suicidaire comme une maladie ou comme un symptôme, les dispositifs thérapeutiques viseront à l’éliminer et à en effacer les traces.
Si par contre, on définit la crise comme un moment de difficulté au cours du processus évolutif, alors l’intervention pourra favoriser le déplacement de l’état de souffrance, en activant un processus d’acceptation, de changement et de croissance. Il est alors question de l’apprentissage de nouvelles habilités de résolution de problème.
DIVERSES FACONS D’ENVISAGER LA CRISE SUICIDAIRE
La crise suicidaire peut être appréhendée de différentes manières. Nous retiendrons :
-LES THERAPIES COMPORTEMENTALES ET COGNITIVES
Ces thérapies vont s’intéresser aux cognitions » négatives « , aux émotions et aux comportements. Elles proposent un ensemble d’actions thérapeutiques qui ont fait l’objet d’analyse sérieuse.
Le thérapeute va mettre à jour les distorsions cognitives du patient. Il cherche le renforcement positif des comportements et l’apprentissage de nouvelles compétences…
Les TCC proposent une prise de conscience et un travail sur les schémas cognitifs qui affectent la perception de soi et de l’environnement.
Des stratégies d’adaptation sont adoptées afin de résoudre une problématique bien évaluée.
Actuellement, les thérapies cognitives et comportementales, dites » de troisième vague « , sont centrées sur la reconnaissance et l’exploration active des cognitions et des émotions.
L’idée centrale de cette tendance est que les troubles psychopathologiques résultent d’une tentative erronée à vouloir supprimer l’information émotionnelle. Dans les thérapies cognitives et comportementales de troisième vague, on peut distinguer LA DIALECTIQUE, LA THERAPIE D’ACCEPTATION ET D’ENGAGEMENT (A.C.T.) et LE PROGRAMME DE THERAPIE COGNITIVE BASE SUR LA PLEINE CONSCIENCE.
Ces thérapies sont employées plus particulièrement dans la gestion du stress, la prévention des rechutes dépressives et des tendances suicidaires.
Ces thérapies ont en commun la recherche d’une meilleure conscience de soi par l’apprentissage direct au moyen d’exercices de focalisation et d’attention. Les résultats avec ces méthodes sont très encourageants.
L’APPROCHE E.M.D.R.
On observe qu’un bon nombre de tentative de suicide repose sur une problématique liée à un ou plusieurs traumatismes du passé.
En effet, dans l’accompagnement psychologique de ces personnes, on rencontre souvent les marques d’un ou de plusieurs événements sous formes d’images, d’émotions, de sensations corporelles et de cognitions négatives.
Ces mémoires viennent restreindre les ressources et les capacités de la personne à faire face à la situation actuelle.
La thérapie que nous allons présenter, pour prendre en charge ces souvenirs, a fait l’objet de nombreuses études et analyses. Il s’agit de l’approche e.m.d.r.
L’ART-THERAPIE
Lorsque la personne en souffrance ne parvient pas à exprimer directement ses émotions par la parole, l’art-thérapie est un bon support. Cette approche permet au patient, de tout âge, d’exprimer des émotions sur lesquelles il ne peut mettre de mots. A travers une forme de communication non verbale (dessin, peinture, argile, musique, théâtre …), un langage plus concret, plus intuitif et plus spontané permet l’extériorisation de la souffrance et une certaine prise de distance entre le sujet et sa douleur.
Ne pouvant, dans ce cours, détailler l’ensemble de ces thérapies, nous avons choisi de développer les approches comportementales et cognitives car elles semblent particulièrement bien adaptées à notre sujet : la crise suicidaire. L’approche E.M.D.R. pour la prise en charge du stress post-traumatique sera également développée. Ces thérapies sont moins connues et utilisées en Polynésie, pourtant, elles ont développé des approches qui proposent des alternatives thérapeutiques efficaces et innovantes.